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L’entrepreneur devant le juge

Vevey, 8h45, je me trouve dans une salle d’audience car nous avons entamé une action en justice contre un individu qui nous a vendu une boutique online. Cette boutique online, qui nous promettait de nous faire vendre nos créations luthières également par internet et dans le monde entier, n’a jamais vu le jour, alors qu’un acompte des deux tiers avait déjà été versé. C’est justement ce montant que nous lui réclamons en retour. Excuses vagues, mais nous n’avons jamais vu la boutique en question.

Et c’est ainsi que quelques mois plus tard, je me suis retrouvée aux côtés de cet homme devant le juge. Et nous avons perdu ! D’une part, je me sentais en état de faiblesse simplement physiquement de devoir passer par là , avec mon gros ventre car je suis au 7ème mois de grossesse et car c’est toujours stressant quand on n’est pas du métier. D’autre part, je pensais que ce cas était évident car il y avait eu un contrat, une commande, un paiement mais pas de livraison. Dans mon esprit d’entrepreneur logique, il devait y avoir soit une livraison, soit un remboursement. Ce qui n’avait pas été le cas.

Alors que tous les éléments étaient clairs à mes yeux, je ne comprends toujours pas pourquoi nous n’avons pas eu gain de cause. J’avais un super dossier, j’avais investi au préalable beaucoup de temps pour rédiger le contrat et le faire contrôler et j’avais reçu de bons avis juridiques pour me préparer. De plus, ce n’est pas évident pour des petites PME de consacrer beaucoup de temps et d’argent à ce genre de cas. Je comprends mieux aussi les petites entreprises qui laissent tomber quand elles se font avoir ou alors répondent par la négative à toute sollicitation de base.

Cela me rappelle un autre cas que nous avons perdu. Il s’agissait simplement un client qui reçoit l’un de nos objets, paie une acompte mais pas le solde. Après maintes relances et rappels, il n’a pas daigné ni répondre, ni payer alors que nous lui avions même proposé de payer en plusieurs petites sommes. De plus, je le voyais alors voyager avec de jolies photos sur Facebook ! Et nous avons simplement perdu ce cas car « il n’avait pas compris qu’il était tenu de payer » … ! Ceci malgré une offre et une confirmation de commande très détaillées, une facture et des rappels complets et surtout le paiement d’un acompte.

Ces deux cas me paraissaient tellement évidents, simples et de bon sens. Je me suis interrogée si dans ces deux affaires, les juges nous voyaient comme « des méchants entrepreneurs » auxquels il fallait donner un enseignement ?! Alors qu’on ne tient pas compte du temps et de l’énergie que ce genre de cas fait perdre à l’entreprise. De quel côté est la justice ?

Heureusement, dans d’autres cas, nous avons pu avoir gain de cause. Et cette fois-ci, coaché par un professionnel de la justice qui connaît parfaitement ce langage. Il nous a dit ce que nous devions rédiger et à quel moment. Il nous a coaché sur ce qu’il convenait de dire, sur l’attitude à avoir et l’énergie à émettre. Pour nous entrepreneur à vocation culturelle, il est assez difficile de se mettre dans cette peau … peau de vache, oui !