Un mercredi matin, j’interviens à l’Assemblée Générale d’une caisse de pension à Genève. Comme pour toutes les « Dégustations de son », le public a toujours l’opportunité de poser des questions. Un des cent participant me pose une question qui revient souvent : « Est-ce que vous n’êtes pas en train de couper trop d’arbres pour votre activité ? C’est très mauvais pour l’environnement. »
Ma réponse est simple. D’abord chez JMC Lutherie, nous n’avons besoin que d’un à trois épicéas de résonance de 350 ans d’âge par année pour notre activité. Nous avons mis au point des techniques actuelles de composite, qui limitent l’emploi de ce bois précieux qu’à l’essentiel. Et même si nous augmentons la production, cela reste un prélèvement pour nos besoins pour construire notre Soundboard JMC. De plus, JMC Lutherie est une PME responsable en termes d’environnement. Notre entreprise et nos créations sont qualifiées de « sustainable » dans les 40 pays dans lesquels nous faisons vibrer le bois de résonance.
JMC Lutherie, comme beaucoup des autres PMEs, est très consciente de l’importance de protéger nos ressources, pour faire vivre et survivre cette nature souvent écrasée par le rythme effréné de notre société. Toute notre philosophie est basée sur le fait de prendre du temps et de poser un regard différent. À l’heure où chacun s’efforce de modifier ses pratiques afin de préserver un monde décent à léguer aux générations futures, certains agissements se révèlent d’autant plus inacceptables.
Du côté de certaines multinationales, c’est malheureusement un peu différant. L’effort fait par les PMEs n’est souvent pas suivi par les très grandes entreprises. Jusqu’à quand continuerons-nous d’accepter que certaines multinationales agissent en toute impunité sans aucune conséquence ?
C’est pourquoi il me semble important de défendre aujourd’hui l’initiative pour des multinationales responsables, qui cherche à mettre un cadre légal autour des activités de ces dernières en termes de droits humains et d’environnement. Je la soutiens depuis plusieurs mois. Mais en ce jour tout particulièrement, il me paraissait essentiel de le dire, puisque c’est le débat qui occupera aujourd’hui les parlementaires du Conseil National. Ces derniers ont la possibilité de s’accorder derrière un contre-projet, pour rassembler même les plus réticents et enfin s’aligner avec le consensus international.
Moi-même entrepreneure, je trouve intolérable que les agissements de multinationales sans scrupules écornent la réputation des entreprises suisses. Je sais bien à quel point les embûches parsèment le chemin des entreprises, quelle que soit leur taille, et qu’il n’est pas facile de faire face à la montagne d’exigences de tous les acteurs gravitant autour de nous. Mais je sais aussi que le respect de l’humain et de l’environnement doit figurer au cœur de nos pratiques, et qu’aucun profit ne vaut une vie détruite ou une ressource endommagée. Cette voix d’une économie plus responsable, je ne suis pas la seule à la porter : nous sommes plus de 120 entrepreneurs à soutenir l’initiative à travers un comité d’entrepreneurs « Economie pour des entreprises responsables », www.entreprises-responsables.ch.
Nos conseillers nationaux sauront-ils dépasser leurs clivages politiques et leurs stratégies partisanes pour s’accorder derrière ce sujet essentiel ? J’ai toute confiance que nos conseillers nationaux comprennent l’enjeu de ce comité et surtout cette problématique et sauront donner un peu de pression et d’accélérer la vitesse à nos multinationales qui ont un grand potentiel de marge de manœuvre dans ce sens.